vendredi 8 juillet 2011

Modest Moussorgsky - Une nuit sur le mont chauve (1867)


Le poème symphonique Une nuit sur le mont Chauve, pièce courte d’une dizaine de minutes, a été composé durant l'été 1867, lors d’un séjour du compositeur dans la maison de son frère à Minkino.
Moussorgski n’était pas intéressé par la musique d’orchestre. On ne compte, en dehors de cette Nuit, qu’un Scherzo (1858), une Marche nocturne (1861) et un Intermezzo in modo classico (1867). Son œuvre symphonique la plus connue, les Tableaux d'une exposition, n’est en réalité qu’une réorchestration de Maurice Ravel à partir d’une série de pièces pour piano.

Les musicologues ont longtemps débattu de l’origine de cette œuvre. Il semblerait que c’est une pièce de théâtre de l’un de ses camarades d’armée, Georgy Mengden, la Sorcière, et l’audition de la Danse Macabre de Franz Liszt, qui auraient donné à Moussorgski l’idée d’écrire un choral traitant d’un sabbat. Il s’inspira également de la légende populaire de la nuit de la Saint-Jean. Au cours de cette nuit, les paysans de Petite Russie plaçaient à leur fenêtre des orties pour chasser la sorcière Baba-Yaga et ses consœurs célébraient le diable en dansant le sabbat sur le Mont Chauve (près de Kiev).

Entre 1860 et 1864, il composa deux premières versions qui ne le satisfirent pas. Aussi, il créa-t-il une troisième version en 1867 (qu’il aurait composée en douze jours), qu’il l’intitula-t-il Une Nuit de la Saint-Jean sur le mont Chauve. Il définit ainsi le programme de son œuvre :
- Voix souterraines, apparitions des esprits des ténèbres puis de Satan
- Adoration de Satan
- Sabbat des sorcières
- Sonnerie de la cloche du village et évanouissement des apparitions
- Aube naissante.

Moussorgsky considéra cette troisième version comme définitive : « je crois que cela correspond bien au caractère du sabbat, qui est tout en cris et en appels dispersés, jusqu’au moment où la racaille diabolique se mélange dans une confusion totale ». Pourtant, elle ne fut jamais jouée de son vivant, probablement en raison des critiques qu’émit à son égard le très influent Balakirev

Il réutilisa la matière orchestrale pour composer en 1880 l’intermezzo final du deuxième acte d’un opéra resté inachevé, La Foire de Sorochintsky, d’après une nouvelle de Gogol (La Nuit de la Saint-Jean).

Rimski-Korsakov, qui se chargea de l’édition des œuvres posthumes de Moussorgski, décida de « corriger » et d’« améliorer » toutes les partitions du compositeur qu’il trouva (c’est à cette période qu’il effectua notamment la fameuse réorchestration de l’opéra Boris Godounov). Il créa ainsi en 1908 une nouvelle version d’Une Nuit sur le mont Chauve – le titre est de Rimsky-Korsakov. Ce dernier transforma en profondeur la partition : il modifia le déroulement mélodique, « normalisa » l’harmonie et supprima toutes les références trop visibles à la musique traditionnelle russe. Par ailleurs, il remania intégralement l’épisode final, pour lui donner un caractère beaucoup plus apaisé.

A partir de 1886 et jusqu’en 1968 (date de la publication de l’édition originale de la partition de Moussorgski), cette version fut la seule connue et la seule jouée en concert. Aujourd’hui encore, elle est presque aussi jouée que l’œuvre originale.
En 1929, Bronislava Nijinska chorégraphia l'œuvre de Moussorgski pour les Ballets russes à Paris.

Leopold Stockowski réalisa en 1939 une nouvelle version de la Nuit sur le Mont-Chauve pour les studios Walt Disney (pour Fantasia), à partir des travaux de Moussorgski et de Rimski-Korsakov.


Moussorgski avait très précisément défini le programme de son œuvre en cinq parties facilement identifiables :
- Voix souterraines, apparitions des esprits des ténèbres puis de Satan (exposition)
- Adoration de Satan (deuxième thème)
- Sabbat des sorcières (développement)
- Sonnerie de la cloche du village et évanouissement des apparitions (réexposition)
- Aube naissante (coda).

1. Voix souterraines de voix surnaturelles :
L’œuvre s’ouvre sur un frémissement en chœur des violons en triolets, appuyé par les traits rapides des bois, et soulignés par la petite flûte.

2. Apparition des esprits des ténèbres puis de Satan :
Les trombones, le tuba et les cordes graves annoncent Satan. Ce thème ténébreux est soutenu par les violons qui jouent un motif de croches régulières.

Ces deux thèmes sont ensuite repris au demi-ton supérieur.

3. Glorification de Satan et messe noire :
Le motif musical, plus léger, passe par différents groupes d’instruments (cordes, puis bois, puis cuivres). L'action se développe et le thème léger se transforme progressivement.
Au fur et à mesure de l’entrée successive des groupes, le thème se densifie. Les cordes finissent cette partie dans un thème frénétique en doubles croches, puis sur un gigantesque mouvement chromatique descendant : la messe aboutit à une sorte de « transe » et au sabbat.

4. Sabbat :
Cette partie contraste avec le reste de l’œuvre. Deux thèmes s’enchaînent, l’un aux cordes en triolets, avec des mouvements chromatiques joués piano ; l’autre aux vents, plus mélodique, et accompagné des cordes collegno (avec le bois de l’archet). A la fin de ce mouvement, les deux premiers thèmes réapparaissent brusquement, et la messe noire prend fin.

5. Aube naissante :
La cloche sonne : les esprits malins se dispersent. La clarinette puis la flûte annoncent le lever du jour.

Le thème apaisé, de nouveau en fa majeur initial, et émis par tous les instruments de l’orchestre, conclut l’œuvre en même temps que le sabbat. Cette coda est une composition de Rimski-Korsakov qui, rappelons-le, ne figurait pas dans la version originale de Moussorgski.

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